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Est justifié le licenciement du salarié obsédé qui parle de sa « grosse carotte », en expliquant que s’il la sort sa collègue « allait se la prendre dans l’oeil »

À Troyes, un employé de 52 ans a perdu son poste pour une phrase triviale sur une prétendue « grosse carotte » qu’il aurait voulu exhiber à une collègue.

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Un couloir de bureau banal, un matin gris, et une remarque qui bascule dans le registre du grotesque : c’est ce que raconte le dossier jugé par la cour d’appel de Reims. J’ai rarement lu une décision où le légume tient autant de place dans les attendus.

L’incident au bureau : une carotte imaginaire devenue arme verbale

Les faits datent de février 2022. Dans les locaux d’une entreprise d’entretien industriel située à Troyes (Aube), Jean-Michel R., 52 ans, aurait déclaré à une collègue qu’il possédait une « grosse carotte » et que, s’il la sortait, elle « allait se la prendre dans l’œil ». L’échange, rapporté par plusieurs témoins, a rapidement suscité malaise et colère au sein de l’équipe. La salariée visée, âgée de 34 ans, a immédiatement alerté sa hiérarchie.

La procédure disciplinaire et le licenciement confirmé

L’employeur a engagé une procédure disciplinaire pour faute grave. Le conseil des prud’hommes de Troyes puis la cour d’appel de Reims ont jugé que le licenciement était justifié. Dans son arrêt rendu en juin 2023, la juridiction souligne le caractère sexuellement suggestif et humiliant des propos tenus. Jean-Michel R. n’a pas obtenu l’indemnité qu’il réclamait pour licenciement abusif.

Quand la justice tranche entre humour douteux et harcèlement

L’avocat du salarié a plaidé maladresse verbale et humour potache mal interprété. L’avocate de la plaignante, elle, a insisté sur la dimension sexuelle évidente et sur l’atteinte à la dignité au travail. Pour les magistrats, il ne s’agissait pas seulement d’une blague déplacée mais d’un comportement constitutif d’un harcèlement moral susceptible d’altérer les conditions de travail.

Que dit le Code du travail ? Mode d’emploi judiciaire

  • L’article L1153-1 définit le harcèlement sexuel comme des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité ou créant un environnement intimidant.
  • Le licenciement pour faute grave prive le salarié des indemnités légales (article L1234-9).
  • Délai d’appel : un mois après notification du jugement prud’homal (article R1461-1).
  • Sanctions pénales possibles : jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende selon l’article 222-33 du Code pénal.

Des précédents judiciaires tout aussi incongrus

En 2019, à Limoges, un technicien avait été sanctionné pour avoir menacé ses collègues avec… un cloueur pneumatique chargé. À Bordeaux en 2021, un livreur fut renvoyé après avoir comparé sa patronne à un “paquet fragile” devant toute l’équipe. Ces affaires rappellent que les tribunaux oscillent entre gravité juridique et absurdité factuelle.

Statistiques nationales sur les litiges liés aux paroles déplacées

Selon le ministère du Travail, environ 9 % des plaintes déposées devant les conseils des prud’hommes en 2022 concernaient des faits liés à des propos ou comportements considérés comme humiliants ou sexistes. L’Observatoire national du harcèlement estime que près d’un tiers des salariés disent avoir déjà entendu une remarque sexuelle non sollicitée au bureau. Derrière chaque phrase se cache donc potentiellement une procédure longue et coûteuse.

Conséquences pratiques pour les protagonistes

L’affaire laisse derrière elle un salarié sans emploi ni indemnité et une salariée marquée par l’exposition publique du dossier. Selon l’INSEE, un litige prud’homal dure en moyenne onze mois et entraîne pour chaque partie plusieurs milliers d’euros de frais annexes (avocats, déplacements). La décision rappelle aussi que même sous couvert d’humour rural ou potager, certaines métaphores peuvent coûter très cher.

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