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Ils ont placardé des annonces, sollicité les agences, publié sur les réseaux sociaux, jusqu’à mettre un panneau en bord de route : « On embauche n’importe qui veut travailler ». À Bischwiller, dans le Bas-Rhin, l’entreprise MétaluPose cherche désespérément main-d’œuvre pour ses postes d’assembleurs en atelier. Salaire proposé : 2 700 € brut, CDI, sans exigence de diplôme. Pourtant, les CV n’arrivent pas.
Une promesse simple : « une bonne paie pour un travail régulier »
Rencontré dans son atelier de tôlerie au fond d’une petite zone industrielle, Jean-Marc Henner, le patron de MétaluPose, ne cache pas sa lassitude. Face à l’affichage massif, il assume sa formule directe.
« On embauche n’importe qui veut travailler. On ne demande pas de diplôme, pas d’expérience, on forme tout le monde ici. On a juste besoin de gens sérieux qui viennent à l’heure. »
Dans l’atelier, des pièces métalliques sont alignées, prêtes à être montées. MétaluPose fabrique des structures modulaires pour le secteur du BTP. Le travail est manuel, parfois physique, mais largement mécanisé. « Ce n’est pas la mine », résume M. Henner.

Un salaire plus élevé que dans bien des secteurs
Poste | Salaire brut mensuel | Type de contrat | Expérience requise |
---|---|---|---|
Assembleur polyvalent | 2 700 € | CDI | Aucune |
Opérateur sur presse | 2 500 € | CDI | Aucune |
Aide soudeur | 2 400 € | CDD – 6 mois | Aucune |
À première vue, l’offre pourrait faire rêver. D’autant que l’entreprise ne demande ni diplômes ni expérience. « On a des anciens boulangers, des livreurs, des gens qui n’ont jamais tenu une perceuse », s’amuse le dirigeant. Mais ces embauches restent rares. En trois mois, seuls cinq candidats se sont présentés. Un seul a tenu plus de deux semaines.
La pénurie de candidats dépasse le cas isolé
Ce que vit cette PME n’est pas un épiphénomène. Selon les données de France Travail, 50,1% des projets d’embauche en 2025 sont considérés comme difficiles. Et ce, malgré une légère baisse des intentions d’embauche globale.
Les recruteurs font face à un cocktail complexe. Moins de candidatures, une perte d’attractivité pour les métiers manuels, et un rejet croissant du rythme des emplois en horaires fixes. Une étude de LinkedIn publiée ce printemps indique que 75 % des recruteurs peinent à trouver des talents qualifiés.
Des causes multiples qui freinent les recrutements
Un agent de l’agence France Travail de Haguenau, sollicitée par l’entreprise, analyse cette inertie :
« Le problème, c’est un décalage d’attentes. Les jeunes veulent du sens, de l’autonomie immédiate, parfois du télétravail. Dans un atelier, il faut accepter des horaires fixes, parfois répétitifs. Même avec un bon salaire, ça ne matche plus toujours. »
Le constat est renforcé par plusieurs facteurs structurels :
- Dévalorisation croissante des métiers manuels
- Manque de formation adaptée pour les reconversions
- Mobilité géographique freinée par le logement ou le transport
- Refus du travail perçu comme « subalterne »

Une entreprise prête à tout… sauf à baisser les bras
Face à l’échec des canaux classiques, MétaluPose a mis en place des essais à la journée. Les candidats peuvent venir tester l’activité avant de s’engager. « On ne demande même pas un CV à l’entrée. Juste un peu de motivation. » Mais même cette souplesse n’a pas suffi. Sur les six personnes venues début août, quatre n’ont pas terminé leur journée d’essai.
Jean-Marc Henner admet, un brin amer : « Le travail n’attire plus, même bien payé. Avant, pour ce poste, j’avais dix candidats la semaine. Aujourd’hui, je supplie presque pour qu’on vienne visiter l’usine. »
Une tendance nationale alarmante
Les plus touchées sont les entreprises dites de première ligne, notamment en bâtiment, agroalimentaire et logistique. D’après les derniers chiffres de la Dares, les secteurs sans conditions de diplôme ni expérience préalable sont ceux où les difficultés de recrutement sont les plus criantes.
Et le phénomène est amplifié dans les PME de province. Moins connues, souvent isolées, elles attirent moins de profils, au profit de structures urbaines mieux connectées. Le cas de MétaluPose illustre ce malaise profond.

Jusqu’où faudra-t-il aller pour recruter ?
L’entreprise envisage désormais d’investir dans un logement partagé pour héberger de futurs salariés entrants. Une forme de retour à des logiques patronales des années 50. Car le besoin est là : les carnets de commandes sont pleins, mais les bras manquent.
Controverse« Ils voulaient nous faire taire » affirme un habitant après la révélation en septembre 2025 d’un gisement de platine dans sa commune« On pourrait doubler la production, j’ai de quoi faire signer dix CDI demain. Mais il faudrait dix personnes qui acceptent de venir bosser tous les jours. », conclut M. Henner, dépité.
Le salaire ne suffit plus. Dans la France de 2025, recruter exige de repenser en profondeur les attentes réciproques entre employeurs et travailleurs. Même quand on dit embaucher « n’importe qui veut travailler ».