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Le village de Lannédern, niché dans les monts d’Arrée, n’avait jamais connu de grande agitation. Depuis quelques semaines pourtant, l’ambiance a changé. Les regards sont méfiants, les murs chuchotent, et certains osent désormais parler. « Ils voulaient nous faire taire », affirme Marc Le Moal, un habitant de 54 ans, ancien technicien agricole reconverti en apiculteur. La raison ? Une découverte minérale qui bouleverserait définitivement le devenir de cette commune rurale.
Un gisement invisible dans le décor
C’est au début septembre que circulent en mairie les premiers documents évoquant une étude géologique confidentielle menée en 2023, et qui cible précisément le sous-sol de la commune. Dans une note interne que j’ai pu consulter, les mots « concentration atypique de platinoïdes » apparaissent à plusieurs reprises, assortis d’indices de rareté jugés « prometteurs » selon les géologues.
Cette fuite n’a jamais été officialisée par les autorités nationales. Du moins, pas avant que certains habitants ne découvrent par hasard des plans topographiques égarés dans un local des services techniques. La tension est alors montée rapidement dans ce petit village de moins de 400 âmes.
« J’ai contacté le maire dès que j’ai compris ce que c’était. Il m’a d’abord dit de rester discret, que c’était préliminaire. Puis j’ai entendu qu’il y avait eu des réunions entre la préfecture et un cabinet privé de prospection. Sans nous. On aurait voulu cacher la chose. Ils voulaient nous faire taire. » — Marc Le Moal

Des intérêts économiques sous contrainte géologique
En croisant les données du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et des rapports confidentiels obtenus via des sources internes, le « gisement » en question pourrait théoriquement contenir entre 2,3 et 3,1 tonnes de platine, si les estimations se confirment. Le tout à une profondeur moyenne évaluée à 190 mètres. Une réserve notable, mais encore loin des seuils d’extraction industrielle immédiats.
Le tableau ci-dessous résume les principaux paramètres géologiques relevés :
Paramètre | Valeur estimée |
---|---|
Profondeur moyenne | 190 m |
Quantité estimée | 2,3 – 3,1 tonnes |
Concentration moyenne | 4,6 g/tonne |
Zonage environnemental | Zone Natura 2000 à 800 m |
Un silence jugé suspect
Ce que dénoncent les habitants, ce n’est pas seulement l’information tardive. C’est la nature des échanges noués sans consultation. Plusieurs riverains évoquent des passages discrets de véhicules banalisés près des terrains repérés. D’autres parlent de visites techniques “sous couvert d’expertise agricole”. La communication officielle reste quant à elle lacunaire : le maire de Lannédern a décliné mes demandes d’entretien. La préfecture du Finistère m’a transmis un communiqué indiquant simplement que « des données géologiques sont à l’étude », sans mentionner de substance précise.
Les craintes jouent sur plusieurs tableaux. D’un côté, la protection d’un environnement fragile. De l’autre, le spectre d’une exploitation minière au rabais, confiée à des opérateurs peu scrupuleux. Un scénario que redoute Marc.
« On a vu ailleurs ce que ça donne. Une entreprise débarque en promettant emplois et retombées locales, puis la nappe phréatique se retrouve polluée, les routes défoncées, et le village vidé. » — Marc Le Moal
Un climat de défiance renforcé par les précédents
Ces derniers mois, plusieurs projets d’exploitation de métaux dits critiques, dont le platine fait partie, ont été rendus publics à travers la France. Des réserves de lithium dans l’Allier, du tungstène en Haute-Vienne, du niobium dans le Massif Central. La position de l’État devient de plus en plus claire : reconquérir un minimum de souveraineté minière sur son territoire.
ControverseCette entreprise ne trouve pas de salarié malgré des postes à 2700€ « on embauche n’importe qui veut travailler »Mais la transition entre volonté stratégique et acceptabilité locale reste rude. Une récente consultation publique dans la Nièvre, à propos d’un permis d’exploration de terres rares, a vu plus de 78 % des contributions s’opposer au projet. Le contexte local à Lannédern reflète une méfiance plus large envers les procédés de décision opaque.

Gisement stratégique mais inaccessible ?
Pour l’heure, le « gisement de Lannédern » — nom déjà utilisé dans les documents internes — n’a pas dépassé le stade d’intérêt géologique. Aucune demande de permis d’exploitation n’a été publiée. Des experts contactés confirment qu’extraire une telle ressource à cette profondeur impliquerait plusieurs années de forages, des investissements massifs et une validation environnementale complexe. Le BRGM, prudent, rappelle que « 90 % des anomalies détectées ne mènent jamais à une exploitation ». Un chiffre qui relativise la panique mais n’éteint pas les suspicions.
Pour Marc et plusieurs de ses voisins, le problème n’est plus seulement dans la roche. Il est dans le traitement de l’information. Ils réclament désormais une réunion publique. Et un droit à savoir ce qui se passe sous leurs pieds.
- Noirceur des sols versus transparence des démarches
- Stratégie minière nationale versus méfiance villageoise
- Découverte potentielle versus certitude citoyenne
L’avenir dira si Lannédern portera un riche sous-sol ou un lourd silence. Mais ici comme ailleurs, les habitants veulent garder la main sur leur terre autant que sur leur parole.