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Le comptoir en bois blond de sa petite boulangerie à Gaillon a vu passer des milliers de pièces. Mais ce 17 septembre, c’est une pièce de 1 euro comme les autres – ou presque – qui a attiré son regard. À peine deux semaines plus tard, elle en repère une seconde. Les deux finiront par être revendues 1200€ chacune.
Une première pièce étrange, puis une autre
“Ce n’était pas un réflexe au départ. Je me suis juste dit qu’elle était bizarrement imprimée”, confie Chantal, derrière ses lunettes cerclées. Sur le moment, elle ne mesure pas l’importance de sa découverte. Mais un client régulier, passionné de numismatique, l’incite à faire expertiser la pièce.
« Revendue 1200€ chacune, je contrôle toutes les pièces maintenant. C’est devenu une habitude, presque un automatisme » témoigne-t-elle avec un sourire incrédule. « J’ai même acheté une petite loupe spéciale pour ça. »
Après l’estimation d’un revendeur spécialisé de Rouen, le verdict tombe : la pièce est effectivement fautée. Une frappe décentrée et un léger doublon sur le revers. Et comme souvent dans la numismatique, l’erreur devient une rareté, et la rareté attire les collectionneurs.

Ce que valent réellement ces euros
Le marché des pièces fautées ou commémoratives est bien plus dynamique qu’on l’imagine. Certaines pièces de 1 euro, en particulier celles de 2002 comportant l’erreur dite « double face nationale » ou présentant des bizarreries de frappe, peuvent atteindre des prix de plusieurs centaines d’euros, voire plus de 1000€ si l’état est impeccable.
Type de pièce | État | Prix observé |
---|---|---|
1€ – arbre de vie 2002 fautée | SUP | 1200€ |
1€ – double face nationale | Fleur de coin | 1100€ à 1250€ |
1 centime – double face | Très beau | 100€ à 120€ |
Des plateformes comme eBay ou Rakuten affichent régulièrement ces pièces à des tarifs élevés. Mais pour qu’un collectionneur accepte de sortir son portefeuille, la pièce doit présenter une combinaison gagnante : défaut confirmé, faible tirage, bon état, et parfois, un peu de storytelling.
Des habitudes qui changent derrière le comptoir
Depuis ces deux ventes, qui lui ont permis d’engranger 2400€ sans lever le bras plus haut que la hauteur de sa caisse, la boulangère a radicalement changé d’approche. Elle vérifie chaque pièce d’un euro rendu à ses clients.
- Utilisation d’une loupe grossissante au comptoir
- Classement des pièces suspectes dans un petit tiroir réservé
- Échange régulier avec un expert numismate local
Ce réflexe, qu’elle jugeait fastidieux au début, est désormais devenu une compétence à part entière. Certains commerçants de la région lui emboîtent le pas. Une supérette voisine, alertée par son histoire, a décidé de mettre en place un programme de vérification auprès de ses employés.
Des collectionneurs toujours en alerte
Le marché de la monnaie fautée fonctionne par rareté et demande. Sur les groupes spécialisés, les alertes circulent vite. Chaque anomalie est documentée, photographiée, discutée, souvent avec une précision rigoureuse. C’est à cette communauté passionnée que Chantal doit sa requalification de simple pièce en objet de collection.
« Je pensais vraiment que c’était une arnaque, ou un hasard sans lendemain. Quand la deuxième pièce est partie au même prix, j’ai compris que ce n’était pas une coïncidence »

Une économie parallèle méconnue
Derrière la routine des caisses, une économie parallèle s’est discrètement installée. Celle des numismates aguerris, traquant la pièce rare dans le flot monétaire quotidien. Certains vont jusqu’à refuser les pièces de 1 et 2 centimes, jugées inutiles, tandis que d’autres, plus attentifs, cherchent la bête rare camouflée dans le lot.
Le cas de Chantal illustre comment l’attention portée à la petite monnaie peut rapporter gros, parfois plus qu’une journée de ventes. Une pièce oubliée, légèrement fautée, peut dégager un revenu inattendu. Et ce phénomène, loin d’être exceptionnel, gagne du terrain.
Contrôler ses pièces, une pratique qui se propage
Alors que certains abandonnent la monnaie pour le tout-numérique, d’autres y trouvent un filon lucratif. Quelques boulangers, libraires ou marchands de journaux commencent à documenter les pièces atypiques retrouvées dans leurs tiroirs. Sans être une mine d’or, cet exercice minutieux pourrait bien inciter d’autres commerçants à lever les yeux sur ce qu’ils pensaient trivial.
Antiquités« J’ai revendu ma pièce de 2 euros aux enchères » : adjugée à 115 00 € en salle des ventes, pour une erreur sur la tranchePour Chantal, cette expérience a été formatrice, presque initiatique. Car entre le pain chaud et les viennoiseries, son commerce cache désormais une toute autre spécialité : les trésors dissimulés dans la petite monnaie.