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Quand Léa, institutrice en région lyonnaise, a distribué les fameuses pièces de 2 euros à ses élèves juste avant les vacances de printemps, elle ne s’attendait pas à ce que les parents la bombardent de questions dès le lendemain. Sur Leboncoin et Vinted, les prix s’envolaient. « On les rachète à 800 fois leur valeur ! À ce rythme, on aurait dû les mettre sous scellés », lance un père en riant. L’affirmation semble exagérée, mais elle traduit l’effervescence que cette modeste pièce commémorative a déclenchée.
Une distribution massive mais ciblée
Le 1er avril 2024, près de 4 millions d’écoliers du CP au CM2 ont reçu en main propre une pièce de 2 euros spéciale Jeux Olympiques. Une initiative conjointe du ministère de l’Éducation nationale et de la Monnaie de Paris, conçue pour transmettre les valeurs olympiques et marquer les esprits avant l’été 2024. Chaque élève repartait avec la pièce dans un petit sachet personnalisé, parfois accompagnée d’un livret explicatif.
Des enchères démesurées
Dès les jours suivants, des offres ont fleuri sur les plateformes entre particuliers. Certaines pièces se vendaient 250 euros, d’autres 500, jusqu’à atteindre 1 000 euros pour un exemplaire resté sous plastique ou daté de début avril, vu comme plus « symbolique ». Un record, mais qui ne fait pas foi d’une généralisation.
« Dans les forums de collectionneurs, on m’a dit que ça pouvait monter jusqu’à 1 600 euros si elle est dans un état impeccable et encore scellée. Honnêtement, ça m’a fait hésiter. C’est ma fille qui a refusé de s’en séparer », sourit Franck, père de deux enfants à Bordeaux.
Cette spéculation s’explique par l’effet de rareté perçu au moment de la première distribution. La pièce semblait exclusive, limitée, introuvable en caisse ou à la banque. Les collectionneurs occasionnels ou désireux d’un souvenir unique se sont empressés d’acheter, quitte à surpayer.
Les facteurs de cette valorisation express :
- L’émotion liée à l’événement olympique
- La distribution réservée aux enfants, donc restreinte à certaines familles
- Le flou initial autour du nombre total de pièces disponibles
- L’engouement médiatique et viral à travers les réseaux sociaux
24 millions de raisons de relativiser
La Monnaie de Paris a pourtant mis les choses au clair dès le mois de juin 2024 : près de 24 millions d’exemplaires supplémentaires de cette pièce circulent désormais dans l’économie. Autrement dit, la version donnée aux enfants n’est en rien une édition ultra-limitée. Elle est identique à celle qu’on peut retrouver aujourd’hui en rendant la monnaie chez le boulanger.
Dans une communication officielle, l’établissement a précisé qu’ »en dessous de 2 millions d’unités, une pièce peut parfois être considérée comme rare ». Ici, le seuil est dix fois dépassé. Pourtant, certains vendeurs continuent à la proposer à des tarifs élevés, misant sur l’ignorance ou l’attachement émotionnel d’acheteurs peu informés.
Des versions vraiment rares ?
Il existe cependant quelques tirages spécifiques de cette pièce qui peuvent justifier des prix bien supérieurs à la valeur faciale. Notamment des éditions limitées, produites pour les collectionneurs avertis :
Version | Tirage | Valeur estimée |
---|---|---|
Circulation courante | 24 millions | 2 € |
Brillant Universel (BU) | 100 000 | 10 € à 20 € |
Belle Épreuve colorisée | 20 000 | 50 € à 100 € |
Seules ces dernières, vendues sur le site de la Monnaie de Paris ou via des revendeurs spécialisés, peuvent prétendre à une valeur de revente plus élevée, parfois bien au-delà des 100 euros. Elles se distinguent par leur qualité de frappe, leur présentation soignée et leur édition limitée. Contrairement à la pièce des écoliers, ces formats ne seront jamais en circulation classique.
Le regard des parents et des collectionneurs
Dans les salons numismatiques, certains professionnels désapprouvent l’effervescence autour de la pièce olympique standard. Ils redoutent un effet déceptif chez les jeunes collectionneurs ou acheteurs impulsifs.
« C’est bien que la Monnaie de Paris ait voulu sensibiliser les enfants à la monnaie, mais créer une attente financière derrière, ce n’était sûrement pas l’objectif. Quand on me demande si ça vaut 800 fois sa valeur, je préfère rappeler que c’est d’abord une pièce de 2 euros commémorative, pas une pépite en or », tranche Nathalie, numismate à Marseille.
Pour beaucoup de familles, cette pièce restera surtout un souvenir affectif, un témoin palpable d’un moment inédit — celui où les Jeux Olympiques ont croisé la route des écoliers français.

Vers une stabilisation du marché
Selon plusieurs revendeurs spécialisés, les prix devraient progressivement revenir à la normale. D’ici la fin 2025, les pièces issues de la distribution scolaire devraient circuler librement, diluées dans l’immense masse des pièces identiques disponibles à la Banque de France. Les plus alertes auront peut-être profité d’une brève fenêtre spéculative. Pour les autres, il restera cette pièce à deux euros, témoin d’un emballement collectif, aussi fulgurant qu’éphémère.