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Justice. Même titulaire d’un diplôme en Droit du vin et de la vigne, un avocat ne peut pas vendre de la bière marquée du nom de son cabinet

À Dijon, un avocat de 43 ans pensait célébrer sa spécialisation viticole en brassant une bière artisanale à l’effigie de son cabinet ; il a récolté une convocation devant le tribunal.

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Un vendredi d’automne, je me suis retrouvé face à un dossier qui mélangeait robe noire et mousse blonde. Dans la salle d’audience, personne ne semblait croire que la justice se penchait vraiment sur une étiquette de bière.

L’avocat brasseur de Dijon face au tribunal

Me Jean-Baptiste L., 43 ans, inscrit au barreau de Dijon et titulaire d’un diplôme universitaire en Droit du vin et de la vigne, avait décidé au printemps dernier d’apposer le nom de son cabinet sur des bouteilles de bière artisanale produites par une microbrasserie locale. Les cartons avaient été distribués lors d’événements privés et offerts à certains clients pour “fêter les vendanges juridiques”, selon ses propres termes.

C’est précisément ce choix marketing qui a conduit le parquet à s’intéresser à lui : mélange des genres, usage commercial du titre d’avocat et confusion possible avec une activité réglementée. Le tribunal judiciaire de Dijon a été saisi après un signalement du bâtonnier.

Une réglementation qui ne laisse aucune place à la fantaisie

L’Ordre des avocats rappelle que toute utilisation commerciale du nom ou du logo d’un cabinet en dehors des prestations juridiques est strictement interdite. La loi encadre sévèrement la publicité pour les professions réglementées afin d’éviter toute instrumentalisation. Dans ce cas précis, l’association entre un produit alcoolisé et l’image institutionnelle d’un avocat a été jugée incompatible avec la déontologie.

  • Article 111 du décret du 27 novembre 1991 : interdiction des activités commerciales annexes incompatibles avec l’indépendance de l’avocat
  • Règlement intérieur national (RIN) : prohibition des pratiques publicitaires trompeuses ou assimilables à du démarchage
  • Code rural et de la pêche maritime : distinction stricte entre diplômes universitaires viticoles et droits commerciaux liés aux boissons alcoolisées

Le verdict : une sanction symbolique mais lourde de sens

L’audience s’est tenue fin novembre devant la chambre correctionnelle. Le procureur a requis une amende de 3 000 euros avec sursis simple et un rappel ferme aux obligations déontologiques. Le tribunal a finalement condamné Me L. à 1 500 euros d’amende dont 500 avec sursis, ainsi qu’à l’interdiction temporaire (six mois) d’exercer toute activité accessoire liée à la communication commerciale.

“Il ne s’agit pas ici de réprimer un brasseur amateur mais bien un officier ministériel qui brouille volontairement les lignes”, a souligné le président lors du prononcé.

Quand la bière rencontre le Code pénal

Ce n’est pas la première fois qu’une association improbable entre boisson fermentée et justice finit au tribunal. En 2019, un notaire breton avait tenté de lancer un cidre estampillé à ses initiales, avant que son conseil régional ne s’y oppose fermement. En Allemagne, deux juristes avaient déjà été rappelés à l’ordre pour avoir sponsorisé une fête estudiantine sous le nom fictif “Cabinet & Kölsch”.

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D’après les statistiques annuelles du ministère de la Justice, environ 240 sanctions disciplinaires visent chaque année des avocats en France ; moins de 5 % concernent toutefois des manquements liés à la publicité ou aux activités commerciales annexes.

Mode d’emploi judiciaire : sanctions prévues et recours possibles

En matière disciplinaire, les peines vont du simple avertissement jusqu’à la radiation définitive. L’utilisation illicite du titre ou toute dérive commerciale expose également à :

Infraction Peine encourue
Usage commercial non autorisé du titre d’avocat Amende disciplinaire + interdiction temporaire
Mélange entre activité juridique et commerce alcoolisé Poursuites pénales possibles (amende jusqu’à 7 500 €)
Manquement déontologique mineur (publicité ambiguë) Avertissement ou blâme par l’Ordre

L’appel est ouvert dans un délai de dix jours devant le conseil régional disciplinaire puis devant la cour d’appel compétente. Dans ce dossier dijonnais, l’avocat condamné n’avait pas encore indiqué s’il entendait exercer cette voie de recours.

L’ironie coûte cher : quand le droit du vin ne donne aucun droit sur la bière

Avoir suivi une formation universitaire pointue en droit viticole n’autorise pas pour autant à détourner l’image sérieuse d’un cabinet vers des bouteilles moussantes. Le coût réel dépasse ici largement les quelques cartons distribués : frais judiciaires avoisinant les 1 200 euros, atteinte durable à sa réputation locale et impact direct sur sa clientèle professionnelle.

L’affaire illustre parfaitement cette frontière invisible entre convivialité privée et exploitation commerciale dans une profession où chaque détail compte. Car si le vin obéit déjà à son propre droit, la bière n’échappe pas non plus aux rigueurs procédurales lorsqu’elle devient prétexte publicitaire.

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