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À la sortie des collèges, l’agitation est toujours au rendez-vous. Les jeunes discutent, rient, tapotent sur leur téléphone, le sac en bandoulière, les yeux rivés sur l’arrivée du bus. Mais depuis la rentrée, un scénario inhabituel attire l’attention des forces de l’ordre. Des adolescents approchés par des individus qui, sous couvert d’une démarche anodine, obtiennent des informations précieuses. D’après la gendarmerie, « souvent c’est en attendant le bus qu’ils se font avoir ».
Une arnaque bien huilée, à échelle humaine
Le piège est simple, mais diablement efficace. Un inconnu s’approche, souriant, parfois même semblant connaître le prénom du collégien. Il prétend être un ancien élève, un grand frère d’ami, ou un étudiant en service civique. Puis vient la demande : une aide rapide pour remplir un sondage, retrouver une adresse, ou même faire un appel rapide depuis le téléphone du jeune.
Une fois que ce téléphone change de mains, il suffit parfois de quelques secondes pour qu’un logiciel espion y soit installé, ou qu’un appel surtaxé soit effectué. « Beaucoup n’osent même pas dire ce qui s’est passé, quand ils réalisent qu’ils ont été dupés », souffle un gendarme en poste à la brigade de proximité de Saint-Sulpice.

Des témoignages qui réveillent les consciences
« Mon fils m’a dit qu’un monsieur, très gentil, lui avait demandé s’il pouvait envoyer un message depuis son téléphone »parce qu’il avait oublié le sien dans le car ». Ce n’est que deux jours plus tard que j’ai vu une facture anormale de 19,99 euros », raconte Patricia, mère d’un collégien scolarisé à Albi. « J’ai eu honte pour lui, mais aussi peur. Si ce n’était qu’un SMS, qu’est-ce qu’il aurait pu faire d’autre ? »
Ce genre de situation s’est produit à au moins cinq reprises depuis le mois de septembre, selon des remontées locales des brigades de gendarmerie dans le Tarn, l’Aude et la Haute-Garonne. Les victimes sont âgées de 11 à 14 ans, souvent en autonomie pour rentrer chez eux après les cours.
Des méthodes discrètes mais dangereuses
Les réseaux sociaux s’en mêlent. Une fois le téléphone accédé, certains escrocs n’hésitent pas à se connecter aux comptes personnels de l’élève pour collecter des données, ou envoyer des messages frauduleux à ses contacts.
Technique utilisée | Impact potentiel | Durée estimée de l’interaction |
---|---|---|
Prêt de téléphone pour appeler un parent | Appels surtaxés, accès aux contacts | Moins de 3 minutes |
Demande de renseignement scolaire | Usurpation d’identité, phishing | Variable |
Sondage bidon ou jeu concours | Collecte de données personnelles | 2 à 5 minutes |
Des signaux faibles que peu repèrent
Le principal danger, selon les forces de l’ordre, réside dans la banalité de l’échange. Les adolescents, en confiance, n’identifient pas toujours les signes d’une arnaque. Ils ne s’attendent pas à être ciblés aussi directement dans un lieu aussi ordinaire que l’arrêt de bus.
« Ce ne sont pas les plateformes en ligne, cette fois, mais un visage dans la rue. Ça change tout », commente un brigadier-chef en poste dans l’Hérault. « Les collégiens sont une porte d’entrée vers les familles. Un téléphone donné, c’est parfois bien plus qu’un appareil : c’est l’accès à la maison. »

Un appel à la vigilance, relayé dans les établissements
Depuis début septembre, les gendarmes multiplient les interventions dans les collèges, organisant des séances de sensibilisation en lien avec les chefs d’établissement. La principale difficulté reste d’adapter le discours à un public aussi jeune que réceptif.
- Ne jamais prêter son téléphone à un inconnu
- Refuser poliment toute demande trop insistante
- Prévenir un adulte ou un surveillant s’il se passe quelque chose
- En parler à ses parents en cas de doute, même tard
Ces réunions sont désormais systématiques dans plusieurs collèges pilotes d’Occitanie, conjuguant la prévention aux traditionnels modules sur le harcèlement et les dangers sur internet.
Du terrain au numérique : les arnaques se croisent
Hasard ou continuité ? On relèvera que la gendarmerie nationale avait déjà alerté, peu avant la rentrée, sur une autre forme d’escroquerie touchant l’environnement scolaire : des faux sites proposant l’accès à la future classe des enfants. Des portails comme revealclasse.fr ou voirmaclasse.com ont ainsi siphonné des données personnelles de milliers de familles.
ArnaqueJ’ai fraudé sur mes déclarations d’impôts pendant 8 ans avant d’avoir un controle, mais voici combien j’ai économisé (même avec l’amende)Si cette autre forme d’arnaque ne concerne pas les attentes devant les bus, elle montre que l’environnement scolaire constitue une cible de choix, désormais exploitée autant physiquement que numériquement.

Le bon réflexe : en parler, sans tabou
Derrière chaque histoire, il y a souvent un silence à briser. Vergogne, peur des sanctions, sentiment de naïveté… Les collégiens victimes d’escroquerie mettent parfois des jours à en parler. Ce retard alimente la difficulté pour la gendarmerie à cartographier le phénomène.
« J’ai fini par m’en vouloir. Je pensais que c’était moi le problème, que j’avais été débile », confie Hugo, 13 ans, approché à Castres par un homme d’apparence amicale. Ce n’est que lorsque sa mère a appelé son opérateur pour bloquer une série de prélèvements que la vérité a émergé.
Les autorités recommandent aux parents d’aborder le sujet proactivement à la maison, sans jugement. Car si les jeunes sont vulnérables, leur parole reste la meilleure barrière face à des prédateurs de plus en plus incarnés.
Merci pour cet article, ça ouvre les yeux sur un danger auquel on ne pense pas forcément.