Dans cet article Dans cet article
Les téléphones portables au travail n’ont jamais cessé de susciter des débats. Utiles, distrayants, envahissants parfois. Une ligne fine existe entre tolérance et abus. Depuis cet été, une clarification législative permet désormais aux employeurs de renforcer leur pouvoir disciplinaire en la matière, y compris, si la situation le justifie, jusqu’au licenciement. De quoi bouleverser discrètement les pratiques en entreprise.
Un texte réglementaire qui change le ton
Sans faire de grand bruit, une circulaire d’interprétation administrative publiée en juillet a consolidé la doctrine des employeurs face à l’usage abusif du smartphone durant le temps de travail. Longtemps appliquées au cas par cas selon la jurisprudence, les sanctions possibles sont désormais clarifiées dans un cadre national plus lisible pour les directions comme pour les salariés.

Encadrement plus net, marges de manœuvre élargies
La nouvelle disposition ne crée pas un droit nouveau, mais affirme la légitimité pour l’employeur de sanctionner toute utilisation non professionnelle du portable, si cette dernière nuit à la qualité du travail ou à la sécurité. Le ministère du Travail appuie désormais les employeurs qui, dans le respect du principe de proportionnalité (article L1121-1 du Code du travail), établissent des chartes internes strictes. Une première qui donne une lecture harmonisée de la jurisprudence accumulée ces dernières années.
« Je ne pouvais pas tolérer que mon agent de sécurité regarde des vidéos pendant sa ronde. Après plusieurs rappels à l’ordre, j’ai dû le sanctionner. Grâce au nouveau cadre, je me suis senti légitime. Il a été licencié pour faute grave »,
confie Pierre Lemaitre, directeur d’exploitation d’une entreprise de gardiennage dans l’Essonne.
Un dispositif jugé nécessaire par nombre d’entreprises
Entre interruptions fréquentes et baisse de concentration, plusieurs secteurs accueillent avec soulagement cette clarification. Dans l’industrie, les transports ou la maintenance, les risques liés à l’attention relâchée sont bien plus que théoriques. Le nouveau cadre permet un traitement anticipé de ces écarts, sans attendre une situation accidentelle ou critique.
Type de secteur | Restrictions jugées justifiées | Sanction possible en cas d’abus |
---|---|---|
Logistique et transports | Interdiction totale en conduite | Avertissement ou licenciement immédiat |
Santé et médical | Zones sans ondes / interférences | Mise à pied disciplinaire |
Restauration | Contrôle en cuisine, hygiène | Avertissements successifs |
Une responsabilisation appelée de tous les côtés
À l’heure des notifications permanentes, les employeurs ne se battent pas contre la technologie, mais pour redéfinir les temps et les lieux d’usage. Certains vont jusqu’à fournir des vestiaires à téléphones dès l’entrée du site, d’autres encouragent des cycles de pause technique où le mobile est autorisé dans des zones dédiées.
« Mon entreprise m’a clairement informée en début d’année : le portable, c’est pendant la pause ou à l’extérieur du plateau téléphonique. J’ai reçu un avertissement écrit après avoir répondu à un message privé hors des temps prévus. Je trouve ça strict, mais au moins c’est clair »,
explique Sarah B., téléopératrice à Amiens.

Licenciement : une mesure extrême mais possible
Le licenciement pour usage de mobile au travail n’est clairement envisageable que dans des cas précis. Il doit reposer soit sur un manquement grave à la sécurité ou à la qualité, soit sur une récurrence malgré des avertissements répétés. Plusieurs décisions récentes confirment cette grille de lecture, désormais consolidée dans la circulaire :
- Un cariste licencié après avoir regardé TikTok en conduisant, validé par la cour d’appel de Toulouse (mai 2025).
- Un agent hospitalier licencié pour avoir filmé un patient sans consentement (CA de Nancy, mars 2025).
- Un salarié en open-space remercié après six avertissements entre janvier et octobre pour appels personnels prolongés (prud’hommes de Lyon).
Pas pour tous les postes, ni tous les usages
Le cadre nouveau ne signifie pas une interdiction générale. Des usages personnels, brefs et discrets, en dehors des moments sensibles, pourront continuer d’être tolérés dans bien des entreprises. L’obligation repose sur la justification de la mesure et sur l’information claire du salarié en amont.
Les syndicats dénoncent toutefois une possible dérive. « Trop de contrôles, ça crée un climat pesant. On parle d’adultes, pas d’élèves. Il faut faire preuve de mesure », juge un représentant CFDT dans une société de maintenance industrielle à Rouen.

Une ligne de crête entre contrôle et confiance
Ce tournant réglementaire invite à réfléchir aux limites entre vie privée et obligations professionnelles. Le portable personnel est une extension de nous-mêmes. Mais dans le monde du travail, son usage doit être redéfini fermement, mais équitablement. L’encadrement renforcé ne signifie pas rigueur aveugle, seulement anticipation, cohérence et dialogue.
Si l’avenir professionnel peut désormais être conditionné à l’usage du portable, alors chacun devra peut-être, salarié comme employeur, apprendre à réconcilier vigilance productive et connectivité raisonnée.